Je n’ai jamais vraiment voulu coucher avec Julia Roberts
Par Nicolas Dubois
Je m’appelle Pierre Rajaud. J’ai 28 ans et dans la vie, ça fait trois ans que je suis mort.
De séries policières en soaps dramatiques, de films indépendants fauchés en navets à succès, je truste à Hollywood, depuis quarante mois – un record- tous les rôles de cadavre masculin. Il faut dire qu’avec mon physique passe partout, mon visage sans âge et mon absence remarquable de signes distinctifs, le rôle de principale victime semble avoir été inventé pour moi. Il m’est même arrivé d’enchaîner deux épisodes d’une même série sans que personne ne remarque rien. En même temps, ça se comprend. Qui se souvient à la fin de l’épisode de la tête du cadavre du début ? Même moi, il n’est pas rare que je m’oublie. Au final, dans ce microcosme en perpétuelle mutation, c’est sur cette absence de reconnaissance que j’ai bâti ma célébrité. Réussir à vivre de ma mort, on peut dire que j’ai eu de la chance.
J’ai débarqué aux Etats-Unis à la fin de mes études pour valider mon Master de commerce international. Une vague école de commerce lyonnaise, fréquentée pendant trois ans avec une remarquable absence d’assiduité, m’avait ouvert la porte d’un diplôme mondialement reconnu, du moins en France. La dernière petite condition pour obtenir le précieux certificat était de suivre quelques mois de cours à l’étranger. Une façon comme une autre de faire voir du pays à une jeunesse paresseuse et de la familiariser avec les langues étrangères. Par chance, j’ai réussi à échouer à en Californie, dans une université de second ordre : le rêve de tout étudiant moyen. C’est en contemplant les naïades délicieusement vulgaires d’Alerte à Malibu que l’idée de découvrir la langue californienne m’avait définitivement séduite. Le sea, sex and sun n’est pas près de mourir.
Après quatre semaines sur le sol américain, j’avais un studio en collocation, des gamma GT en fête, une bonne dizaine de nouveaux amis et un compte bancaire en chute libre. J’ai dû me rendre à l’évidence. Si je voulais poursuivre un peu plus loin mon séjour américain, il fallait que je cesse de courir après les sorties nocturnes. La fréquentation aussi débonnaire qu’immodérée des bars de nuit était en train de mettre en sommeil mes rêves de succès. J’épluchais mes relevés bancaires. Les additions étaient justes, donc mes calculs tombaient faux : j’allais devoir travailler. Je m’en ouvrais à mon colocataire qui était exactement sur la même longueur d’onde que moi, les problèmes d’argent en moins.
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